Page:Bacon - Œuvres, tome 1.djvu/236

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venir que notre dessein n’est nullement d’excuser les mœurs abjectes et sordides de certains philosophes de profession ; mœurs par lesquelles ils ont déshonoré et les lettres et eux-mêmes. Tels étaient chez les Romains, dans les derniers siècles, ces philosophes qu’on voyoit attachés aux maisons des riches, qui ne bougeoient de leur table, et qu’on auroit pu, avec raison qualifier de parasites à grande barbe. De ce genre étoit celui que Lucain dépeint si facétieusement. Une dame de distinction l’ayant chargé de porter dans sa litière son petit chien de Malte, comme il se prêtait à ce service avec beaucoup de complaisance et très peu de dignité, un petit valet de cette dame le railla, en disant : j’ai peur que notre philosophe de Stoïcien devienne cynique[1]. Il n’est rien qui ait

  1. Le sel de cette raillerie dépend d’un double sens : ce mot cynique vient du grec κυνε (cunos), qui signifie chien. On donnoit le nom de cyniques aux philosophes qui, comme Diogènes, déclamoient et aboyoiont, pour ainsi dire, contre les vices et les travers de leur siècle ; et même on les désignoit assez souvent par la dure qualification de chien.