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DE LA DIGNITÉ ET ACCROIS.

gne, renferme un sens profond ; car toute affection est singulièrement adroite et ingénieuse à chercher tout ce qui peut la nourrir et la fomenter ; mais de tout ce qui est parvenu à la connoissance des hommes, le vin est ce qu’il y a de plus puissant et de plus efficace pour exciter et allumer les passions, et il est leur commun aliment. C’est avec beaucoup d’élégance qu’on représente la passion comme une grande conquérante, et comme entreprenant une expédition sans fin ; car jamais elle ne se repose sur les acquisitions déjà faites ; mais aiguillonnée par un appétit sans fin et sans mesure, elle veut toujours aller en avant, et halète sans cesse après de nouvelles conquêtes. C’est avec autant de jugement qu’on feint que les tigres parquent, pour ainsi dire, avec les passions, et sont quelquefois attelés à leur char ; car une fois que la passion cessant d’être pédestre, est devenue curule[1], qu’elle est vic-

  1. Allusion aux chaises curules que, chez les