Page:Bacon - Œuvres, tome 15.djvu/394

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ou trop froid. Ainsi, quand on pourroit rendre raison de tous les phénomènes méchaniques, par la supposition de deux principes contraires, on seroit encore obligé de supposer un troisième principe par lequel l’animal brut a le sentiment de sa propre existence, jouit, souffre, etc. et peut-être un quatrième, par lequel l’être intelligent observe ses sensations, les compare, les combine, etc. car le troisième semble être purement passif, et le dernier, actif. Cette règle, qu’il ne faut pas multiplier les êtres sans nécessité, n’est qu’une invention scholastique, fondée sur une supposition gratuite, et qui, en nous portant à simplifier excessivement, rend toutes nos explications incomplètes. Toutes nos simplifications ne sont peut-être qu’un produit de notre paresse, fille de notre foiblesse : nous tâchons de réduire un quintal à une seule livre, pour alléger le fardeau que notre entendement paroît obligé de porter. Il est plus commode sans doute de n’avoir qu’un seul objet à considérer, que d’être obligé d’en envisager un grand nombre, ce qu’on ne peut faire que successivement ; mais cette commodité n’est point une démonstration, et la facilité d’une méthode n’est pas toujours une preuve de son exactitude. Ne seroit-ce pas parce que les philosophes ont la manie de simplifier et de tout réduire à un ou à deux qu’on a vu depuis deux mille cinq cents ans ; tant