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DE LA DIGNITÉ ET ACCROIS.

mes. En effet, c’est un très bel emblème que celui de l’antre de Platon[1].

  1. Telle est l’idée qu’en peu de mots l’on peut donner de cet antre. Supposons que dans une caverne vaste et profonde, on ait pratiqué à la partie supérieure et latérale, une ouverture, par laquelle entre un faisceau de lumière qui éclaire la muraille opposée, et que vis-à-vis cette ouverture passent et repassent une infinité d’objets très différons par leurs figures, leurs couleurs, leurs attitudes, leurs mouvemens ; les ombres de ces objets seront projetées, et viendront se tracer sur la partie éclairée ; comme il arrive dans une chambre obscure, où l’on fait entrer la lumière par un trou pratiqué à un volet, mais sans ajuster à ce trou un verre lenticulaire : supposons encore qu’un homme tournant le dos à l’ouverture, considère les ombres, il pourra sans doute, par ce moyen, distinguer jusqu’à un certain point les formes, les attitudes et les mouvemens des objets répondans à ces ombres. Mais si, d’après ces seules ombres, il vouloit juger complètement de ces objets, par exemple, de leurs couleurs, il se formeroit une infinité d’opinions fantastiques et ridicules. Tels sont la plupart des jugemens que nous portons sur la nature et sur nos semblables, du fond de cette prison où notre âme est enfermée depuis la naissance jusqu’à la mort.