Page:Bacon - Œuvres, tome 3.djvu/165

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rable : je veux dire, l’amour de la nouveauté et de la variété. Cet amour, dans les voluptés sensuelles (lesquelles font la plus grande partie du bien passif), n’a pas une fort grande latitude, et se trouve renfermé dans des limites fort étroites. Considère combien il y a de temps que tu fais et refais les mêmes choses ; repas, sommeil, jeu, voilà le cercle où tu roules : vouloir mourir, il n’est pas besoin de courage, de grands malheurs ni de sagesse, pour avoir cette volonté ; c’est assez du dégoût. Mais dans les actions de notre vie, dans nos projets, dans nos prétentions, règne une étonnante variété ; et cette variété, l’on y trouve un plaisir infini, tandis qu’on va ébauchant son ouvrage, le continuant, se reposant de temps à autres, reculant, pour ainsi dire, pour mieux prendre son élan, approchant du terme ; enfin, touchant au but, et autres choses semblables. En sorte qu’on a grande raison de dire que la vie d’un homme sans but est livré à la langueur et à l’incertitude ;