Page:Bacon - Œuvres, tome 4.djvu/264

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Émile par le bon Plutarque ; divinité à deux faces ; l’une sévère, pour les heureux de ce monde ; l’autre riante pour les malheureux ; divinité tout-à-la-fois jalouse et compatissante, qui, selon eux, punissait par des revers l’insolent bonheur des premiers, et compensoit les disgrâces des derniers par des prospérités ; tempérant ainsi les uns par les autres les biens et les maux de cette vie. Mais pour expliquer aisément cette vicissitude de bons et de mauvais succès qui nous tient perpétuellement suspendus entre la crainte et l’espérance et qui fait que chacun de nous ne sait jamais au juste s’il a sujet de se réjouir ou de s’affliger, il n’est pas besoin d’en chercher la cause dans les cieux, ni de recourir à ce mot de hazard, qui n’explique rien ; il suffit de connoître la nature humaine et ce qu’elle peut produire. Cette Némésis avec sa balance compensatrice et cette fortune avec sa roue, fantômes emblématiques que l’homme a créés, c’est l’homme même dont la jalousie s’efforce toujours de rabaisser tout ce qui s’élève au-dessus de lui, et dont la fastueuse pitié daigne quelquefois relever ce qu’il croit trop abaissé. Notre fortune change, parce que nous changeons nous-mêmes, et que ceux dont elle dépend changent aussi.

(c) Lorsqu’il s’agit d’établir un principe, l’exemple négatif a plus de poids. Dans les scien-