Page:Bacon - Œuvres, tome 5.djvu/393

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

asez long-temps pour pouvoir observer passablement et connoître successivement tous les individus marchans, nageans, rampans, volans ou dormans à la surface du globe, après mille ans d’observations, il ne seroit guère plus avancé que celui qui n’en connoitroit qu’une centaine. Sa mémoire ne pouvant loger cette immensité de faits ; en apprenant une chose, il en oublieroit une autre, et las enfin de désapprendre en apprenant, il finiroit probablement par tout abandonner, et par ne conserver, de toutes ses études, que le souvenir de s’être fort amusé ce qui seroit peut-être asses pour lui, mais trop peu pour les autres. Ainsi, pour prendre possession des connoissances acquises, il faut les réduire, les nombrer et les classer, en comprenant sous les mêmes noms les choses suffisamment semblables ; et sous des noms différens, les choses notablement différentes. Car on ne tombe pas moins dans la confusion, pour avoir trop fait de distinctions, que pour n’en avoir pas fait assez ; et il est des hommes qui distinguent tant de choses, qu’ils n’y distinguent plus rien. Socrate l’a dit, et l’expérience le redit sans cesse ; nos connaissances ne deviennent pour nous une véritable propriété, et ne méritent le nom de science, qu’à l’époque où, s’arrangeant entr’elles dans l’ordre marqué par nos vrais besoins, et se réduisant à un petit nombre de chefs faciles à embrasser, nous