Page:Bacon - Œuvres, tome 6.djvu/371

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plus probable ; mais, dans un grand nombre d’événemens, ce qui arrive le plus souvent, c’est le plus probable. Or, comme, dans un certain nombre d’années, les circonstances qui varient sans cesse, sont favorables, tantôt à l’un, tantôt à l’autre, le succès de l’homme qui ne compte que sur les circonstances est infiniment moins probable que le succès de celui qui, en demeurant invinciblement attaché à des principes solides et à des règles sûres, domine ainsi, et fait même quelquefois ces circonstances, dont l’autre est esclave ; car les circonstances ne sont pas des êtres, mais certains modes des hommes et des choses, que l’ignorance des uns livre à la science des autres.

Ce qui nous empêche de reconnaître le pouvoir immense qu’ont à la longue des règles sûres et constamment suivies, c’est que nous n’avons pas l’expérience de ces règles ni de leur effet, soit que nous les ignorions ; ou que, les connoissant, nous n’avons pas la force d’âme nécessaire pour les suivre constamment. On se laisse dominer, tantôt par une passion, tantôt par une autre. Or, quand les passions changent, les règles changent ; en changeant de caractère, on change de but : on sort de la route et l’on y rentre, pour en sortir de nouveau un instant après ; on fait, en allant très vite, très peu de chemin vers un but quelconque,