Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/114

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désert ; les habitants, peu soucieux d’être mêlés à une affaire dans laquelle ils auraient peut-être pu être soupçonnés, à plus ou moins juste titre, de complicité, s’étaient empressés de détaler dès que son approche avait été signalée. Le pauvre garçon, guidé par Naïvo, marcha droit à la case du chef du village, et devant la porte, fichée sur un pieu tout dégouttant de sang, il reconnut la tête livide de son père. Avec un courage et une énergie extraordinaires, il détacha lui-même cette sanglante dépouille et, toujours précédé de Naïvo, il se mit à la recherche du corps ; il le trouva du reste facilement, car les Fahavalos ne s’étaient même pas donné la peine de faire disparaître les vestiges de leur odieux forfait ; ils s’étaient contentés de dépouiller les victimes de tous les objets de quelque valeur qu’elles pouvaient avoir sur elles.

La tête et le corps du malheureux colon, soigneusement enveloppés dans un lamba, furent placés sur le filanzane qui avait servi à Naïvo pour venir de Maevasamba. Avant de repartir, toutefois, Henri, par une pieuse pensée de solidarité chrétienne et patriotique, fit creuser au pied d’un grand arbre, à l’entrée du village, une large fosse, où l’on déposa les restes des neuf Européens qui avaient partagé le sort de son père ; puis il se remit en route et regagna sans fâcheux incident Maevasamba, où sa sœur l’attendait avec une fiévreuse impatience.

Ce fut pour les deux pauvres enfants un grand soulagement à leur immense douleur d’être rentrés en possession du corps de leur père, et de pouvoir lui donner une sépulture convenable, celle qu’il aurait voulue lui-même, à côté de la tombe de leur mère ! Doublement frappés