Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/200

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Malgré la surveillance la plus stricte et les plus pressantes recommandations, il y a toujours des hommes qui veulent faire les malins, qui mettent une sorte de point d’honneur « à ne pas couper », comme ils disent. Allez donc empêcher ces hommes-là de boire un coup d’alcool après une marche forcée dans la brousse, en leur expliquant que l’alcool ici c’est presque toujours la mort, ou tout au moins la maladie ! Je me souviens qu’un jour à Marololo, apercevant un soldat en train de déjeuner tranquillement, assis sur un tertre en plein soleil, je lui fis remarquer qu’à moins de deux mètres de là il y avait une sorte de hangar vide où il serait au moins abrité ; vous croyez qu’il me remercia ? Ce fut tout au plus, au contraire, s’il ne m’envoya pas promener ; il ramassa ses vivres en maugréant et gagna le hangar en me lançant un regard de côté, comme si c’était uniquement pour lui être désagréable que je l’avais engagé à éviter une insolation presque certainement mortelle. Une autre fois, j’ai vu le général Duchesne obligé d’infliger, pour l’exemple, un mois de prison à un Haoussa qui, au mépris de la consigne, s’était baigné en plein midi dans le fleuve, ce qui était d’autant plus sot que le Betsiboka dans ces parages est rempli de caïmans. Pour préserver de leurs atteintes les chevaux et les mulets, on était forcé de les abreuver dans des toiles de tente placées à quelques mètres de la rive : une fois même, un tirailleur sakalave s’étant approché du bord pour boire, un caïman le saisit par la nuque et l’entraîna sous les eaux. Il n’y a pas de surveillance qui tienne contre une pareille insouciance, et les accidents qu’elle amène échappent absolument à la responsabilité du commandement. Jamais pourtant