Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/208

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l’infanterie, la cavalerie et l’artillerie passèrent ; les petits chevaux arabes entrèrent gaillardement dans le fleuve, fendant le courant de leur poitrail, le pied sûr, bien appuyé ; malgré la profondeur qui atteignait par endroits un mètre vingt, les chutes furent rares, encore étaient-elles imputables bien plus à la lourdeur du paquetage qui surchargeait l’animal qu’à son manque d’adresse et de solidité. Mais quand ce fut le tour des mulets du convoi, les choses changèrent complètement de face. Si on ne les avait pas maintenus debout à grands coups de fouet, ils se seraient tous couchés, trop heureux de trouver l’occasion de se rouler dans une eau fraîche et de se débarrasser de leur lourd fardeau. Quelques-uns, plus tenaces et plus durs aux coups, s’offrirent quand même cette fantaisie ; et plus d’un officier, en arrivant à l’étape, eut le désagrément de constater d’horribles dégâts causés dans sa cantine par l’eau du Betsiboka. Quelques bagages même, entraînés au fil de l’eau, durent être abandonnés ; car les caïmans, éloignés par le bruit de tout ce monde, commençaient à montrer leurs têtes un peu en aval et il n’y eut pas d’offre, si alléchante qu’elle fût, qui pût décider les conducteurs kabyles à s’aventurer à la recherche des cantines naufragées. En somme, on peut dire que le passage de l’avant-garde s’est effectué sans accident sérieux ; mais pour le reste du Corps expéditionnaire, et surtout pour les services du ravitaillement, il fallait absolument jeter un pont ; car il était impossible de songer à faire passer à gué les voitures des convois. Ce n’était pas une petite affaire, le fond mouvant de la rivière se refusant à recevoir un pont de chevalets, et les voitures Lefebvre n’étant pas non plus utilisables dans