Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/249

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Attaquées sur trois points à la fois, le lendemain matin avant le jour, par la Légion étrangère, le Régiment d’Algérie et les Tirailleurs malgaches, les crêtes qui dominent le défilé furent enlevées brillamment ; et les Hovas, mis en pleine déroute, laissèrent sur le terrain quatre-vingts morts et un canon, tandis que nous n’avions que trois blessés sérieux, deux Légionnaires et un Tirailleur malgache. Le premier échelon coucha sur les positions et poursuivit sa route le lendemain dans la direction d’Ampotaka.

Attachés tous deux à l’état-major du général Metzinger qui commandait le premier échelon, le capitaine Gaulard et Henri Berthier-Lautrec ne se quittaient guère, à moins qu’une affaire de service ne les séparât. C’est ainsi qu’après la prise de Tsinainondry, pendant que Georges Gaulard allait porter le rapport de son chef au général Duchesne, Henri continuait au contraire de marcher à l’extrême pointe de l’avant-garde.

Un peu avant l’étape, l’attention du jeune homme fut attirée soudain par un grand bruit de voix et d’éclats de rire qui partait d’une section du Régiment d’Algérie, à quelques pas en avant de lui ; il se précipita et arriva juste à temps pour empêcher un Tirailleur de clouer sur le sol d’un coup de baïonnette un pauvre diable de noir affalé dans la brousse comme une masse inerte ; son lamba était en haillons et sa peau disparaissait tout entière sous une couche épaisse de poussière et de crasse. Il paraissait aux trois quarts mort, et ce fut presque par acquit de conscience que Henri essaya de le ranimer, en introduisant entre ses dents une gorgée d’eau-de-vie. Après un long moment cependant le noir donna signe de vie,