Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/250

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ses yeux s’ouvrirent et regardèrent à droite et à gauche avec une expression d’ahurissement complet ; mais ses lèvres, tuméfiées par le soleil et par la soif sans doute, se refusaient à laisser passer aucun son. Après des efforts laborieux, il parvint à remuer un bras et tira des profondeurs de son lamba un chiffon de papier que Henri lui prit des mains. C’était une carte de visite, toute souillée de sang et de boue, sur laquelle le jeune homme finit par déchiffrer, à sa grande stupéfaction, l’adresse suivante, écrite en français :


PIERRE PETIT ET FILS

Opère lui-même

Photographes de la Présidence

9, 11, 12, Place Cadet.


et, au bas de la carte, en plus petits caractères :


HECTOR LA BRETECHE, représentant,


38, rue de Clignancourt.


Examinant alors avec plus de soin l’étrange bonhomme, Henri reconnut que l’ensemble de sa physionomie et la forme de sa tête surtout s’éloignaient sensiblement du type malgache. Il appela son fidèle Naïvo, qui n’était jamais bien loin, et lui donna ordre de débarbouiller à fond le pauvre diable ; alors, sous la carapace de boue et de saleté qui le recouvrait, apparut un visage hirsute et fortement bronzé, mais qui incontestablement appartenait au type européen.

Un peu ranimé par ces frictions énergiques, l’homme, portant sa main à sa bouche, ébaucha le geste qui dans toutes les langues veut dire que l’ont meurt de faim. Henri,