Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/25

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sur le sol natal trop encombré élimine et étouffe, ou des déclassés que trop souvent la faim pousse au crime. Envoyez-nous tous ces gens-là ; nous vous rendrons des hommes honnêtes et utiles qui auront gagné une fortune à leurs enfants, tout en ajoutant au domaine colonial de la France. Le voilà, le moyen de vous sauver de votre pourriture ! La voilà, la vraie solution de la question sociale !

Mais je m’emballe, moi, et les feuillets s’entassent sur les feuillets. Il est vrai qu’une fois n’est pas coutume, et que je ne t’ai jamais beaucoup fatigué de ma prose. Enfin je me résume et j’en reviens à ma proposition. Je ne sais pas quel est l’état de tes affaires. Je m’imagine seulement qu’à sa mort, mon pauvre Victor, ton père, n’a guère dû te laisser qu’une aisance à peine suffisante pour vivre, comme celle qu’on peut acquérir à Paris après trente ou quarante ans passés au service de l’État. Il me semble bien aussi me souvenir que tu devais entrer dans la banque ou dans l’industrie. Enfin, n’importe ! De deux choses l’une : ou tu es riche, heureux, bien posé, et alors déchire ma lettre et n’en parlons plus ; ou ta situation, au contraire, est plutôt modeste, aléatoire, rien moins que brillante. Dans ce cas fais tes paquets et viens me rejoindre au plus vite. Si tu as un capital disponible, je t’offre de te prendre tout de suite comme associé et de t’abandonner ensuite l’affaire le jour où je me retirerai ; si tu n’as pas le sou, tu entreras chez moi comme employé privilégié avec une large participation aux bénéfices, et, pour l’avenir, tu n’auras pas à regretter de m’avoir écouté. Réponds-moi le plus tôt possible, j’aime les choses qui ne traînent pas. Prends cependant le temps de réfléchir. Si par hasard le commerce