Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/24

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manquons-nous si souvent, nous autres Français, de cet esprit d’initiative qui fait la fortune de tant d’Anglais, d’Américains, d’Allemands même ? Je crois bien que si par aventure je me trouvais en ce moment à Paris, j’aurais des envies folles d’arrêter les passants sur le boulevard pour leur crier : « Qu’est-ce que vous faites là, espèces de serins, à vous promener la canne à la main, en vous plaignant que les alouettes ne viennent pas vous tomber toutes rôties dans la bouche ? Vendez bien vite tout ce que vous avez, mettez votre argent dans un portefeuille, ledit portefeuille dans la poche de côté de votre veston, et courez à Marseille vous embarquer sur le premier bateau pour Madagascar. C’est la fortune à bref délai pour vous et pour les vôtres. Seulement n’attendez pas qu’il soit trop tard. Si vous ne vous hâtez pas, vous trouverez la place prise, et ce sera tant pis pour vous. »

Ne crois pas que j’exagère, mon cher Michel. C’est peut-être le salut de notre pays que cette question de l’expansion coloniale. En France, on passe son temps à s’entre-dévorer pour des misères, des mots, des utopies, ou pour des convoitises, pour des appétits. Au lieu d’ouvrir la porte toute grande aux efforts individuels, vous ne savez quelles barrières inventer pour les refouler ; au lieu de chercher à vous entendre pour vaincre les difficultés sociales, vous en inventeriez plutôt d’imaginaires. Aussi aboutissez-vous à de jolis résultats aux scandales de Panama, de Cornelius Herz, du baron de Reinach ! Vous vous donnez un mal du diable pour arriver à fabriquer des bacheliers ; et qu’est-ce que vous en faites ensuite ? Des oisifs forcés, que la lutte pour la vie