Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/33

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« Tu arrives à propos, Marie ! dit Michel en montrant à sa femme la lettre restée ouverte sur le bureau. Tiens ! lis : tu vas bien rire. »

Mme Berthier lut les nombreux feuillets du vieux Daniel ; mais, à la surprise de Michel, cette lecture sembla vivement l’intéresser.

« Comment trouves-tu ce brave homme d’oncle qui nous attend tranquillement par le premier bateau dans son pays de caïmans ? demanda celui-ci.

— Eh bien ! mais, répondit Marie Berthier, ne parlais-tu pas toi-même, il y a quelques jours à peine, d’aller au bout du monde pour fuir la déveine qui semblait s’acharner ici sur toi ?

— Ce sont des paroles en l’air qu’on laisse échapper sans réflexion dans un moment de découragement et de folie, et qu’on oublie une heure après.

— A en croire ton oncle, ce pays de Madagascar offrirait des chances sérieuses de fortune à ceux qui auraient le courage d’y aller voir.

— Si j’étais plus jeune, je ne dis pas que je ne me laisserais pas tenter.

— Bah ! On est jeune tant qu’on a la force et la santé.

— Oui, mais quand on a femme et enfants on n’a pas le droit de se lancer dans de semblables aventures.

— Oh ! ce n’est jamais moi qui t’empêcherais de faire ce que tu jugerais utile. Si tu te décidais un jour à quitter Paris…

— Tu me laisserais aller à Madagascar ?

— Sans moi, non ; mais j’irais très bien avec toi.

— Tu ne parles pas sérieusement ?

— Très sérieusement.