Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/66

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par le Premier Ministre non point parmi les plus capables, mais parmi ceux qui s’engagent à prélever sur leurs heureux administrés les plus gros tributs : c’est une sorte de ferme que le preneur exploite à ses risques et périls, sous réserve de partager les bénéfices avec le propriétaire. Ces fermes même s’achètent, et parfois assez cher, moyennant de larges cadeaux offerts par le candidat au Premier Ministre, à ses secrétaires ou aux membres de sa famille : on assure que Ramasombazah, le gouverneur du Boueni, a dépensé ainsi plus de trente mille francs pour obtenir sa charge. Une fois dans la place, le gouverneur exploite méthodiquement le pays au moyen de la corvée, de l’impôt de la piastre (redevance indéterminée qui pèse sur tous ceux à qui l’on suppose les moyens de payer et qui peut être répétée plusieurs fois dans la même année) et d’une foule d’autres procédés plus ou moins malpropres. Concessions, privilèges, justice même, il fait argent de tout. Bien entendu, il s’arrange pour garder le plus possible des honnêtes bénéfices ainsi recueillis, encore que le Premier Ministre, qui connaît le pèlerin, prenne soin de placer auprès de lui, sous le titre de sous-gouverneur, ou de dikan (aides de camp), des manières d’espions chargés de le surveiller. Voilà la législation sauvage, masquée par un semblant de civilisation, sous laquelle est placée toute la population de l’île ; il est vrai que ces belles lois restent presque toujours lettre morte et que le Malgache, surtout à mesure qu’on s’éloigne de la capitale, vit à peu près à sa guise.

Impatienté de ne rien voir venir de Tananarive, ni de Befandriana, ni de nulle part, Michel se souvint à temps du moyen qui lui avait déjà si bien réussi une première fois ;