Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/77

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Naïvo, pénétrait plus avant dans l’âme et dans l’esprit du peuple malgache, elle s’apercevait de l’abîme qui séparait cette race de la nôtre et de l’ignorance profonde dans laquelle croupissaient les plus intelligents des Sakalaves, voire des Hovas. Les idées du brave Naïvo, au point de vue géographique notamment, étaient incroyables ; pour lui, le monde se composait de l’Ile, et de quelques îlots sans importance semés sur la mer de distance en distance ; et quand Marguerite lui montrait sur une mappemonde la place énorme tenue par les divers continents, et, à côté, celle que tenait Madagascar, il paraissait convaincu que ladite mappemonde avait été dessinée tout exprès pour se moquer de lui, en dénigrant son pays. Quant aux Vasahas, il se figurait, avec la grande majorité des Malgaches, qu’ils étaient tous des marins et qu’ils ne vivaient que sur des bateaux, par la raison que c’était sur des bateaux qu’on les avait vus débarquer à Madagascar. C’est par suite du même raisonnement que Hovas et Sakalaves sont convaincus qu’en cas de guerre jamais les Français ne pourraient pénétrer dans l’intérieur de l’Ile, alors même qu’il n’y aurait pas pour les repousser et les exterminer les deux fameux généraux de Radama, le général « fièvre » et le général « forêt ».

Un jour, en arrivant au village, Mme Berthier et sa fille, escortées de l’inséparable Naïvo et d’une de leurs servantes, furent accueillies par de bruyantes détonations. Naïvo, envoyé en avant, revint leur dire que le vieux Raleidama, le propriétaire de la grande case qu’ils avaient occupée quelques mois à leur arrivée dans le pays, était mort la veille et que l’on procédait présentement à la cérémonie de ses obsèques.