Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/82

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d’un de ces accès de fièvre pernicieuse qui viennent trop souvent saisir et terrasser brusquement les malheureux Européens mal acclimatés à Madagascar.

Il courut à sa petite pharmacie, prit un flacon de sulfate de quinine et une seringue de Pravaz ; il fit plusieurs injections sous la peau de la malade à quelques minutes d’intervalle, et pratiqua ensuite des frictions sèches répétées sur tout le corps.

Pendant ce temps Henri expédiait un exprès à l’oncle Daniel pour le prier d’envoyer au plus tôt un médecin.

Dans la soirée, les symptômes inquiétants s’aggravèrent. La peau du visage était devenue froide comme un marbre et d’une blancheur presque diaphane, avec de larges taches violacées. De temps en temps la pauvre femme faisait entendre quelques sourdes plaintes, puis elle retombait dans une sorte d’anéantissement.

Vers trois heures du matin, elle sortit brusquement de cette apathie, et fut prise presque aussitôt d’une sorte d’exaltation qui lui secouait tout le corps. Le moindre bruit semblait lui faire l’effet d’un vacarme épouvantable ; le plus léger mouvement l’affolait. D’une voix faible et cassée, elle se plaignait sans cesse : « J’ai mal partout !… Quelles tortures !… Mon front va éclater !… Michel !… soulage-moi,… ne me laisse pas souffrir ainsi !… C’est fini ! c’est fini !… Je sens que je vais mourir !… Oh ! que je souffre ! »

Puis, dans ses rares moments de détente, elle murmurait : « Mon pauvre Michel, mes pauvres enfants ! je vous fatigue… Allez dormir !… Demain matin, ça ira mieux, vous verrez ! »