Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/92

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encore, fabriquer sous ses yeux le cercueil dans lequel il ensevelit lui-même le corps de sa femme, sans permettre à qui que ce fût d’y porter la main ; puis, il choisit un des plus jolis coins du petit parc qui entourait la maison, le coin préféré de la chère morte, pour lui préparer la retraite où elle devait dormir l’éternel sommeil. Ce fut là que, le jour même de l’arrivée de l’oncle Daniel et du docteur Hugon, l’épouse tendre et dévouée, la mère incomparable, fut descendue sous les yeux de son mari et de ses enfants, navrés de douleur. Un père de la mission de Befandriana, très vieux mais très beau avec sa barbe blanche et son crâne complètement chauve, dit les dernières prières et prononça le dernier adieu dans un langage simple et touchant.

Le vieux Daniel ne s’en retourna que le lendemain, avec le docteur Hugon ; il aurait même désiré rester plus longtemps ; malheureusement, un de ses bâtiments devait partir pour la France avant la fin de la semaine avec un plein chargement de caoutchouc, et sa présence était indispensable. Au surplus, Michel n’insista point pour le retenir. Malgré tous les témoignages d’affection qu’il avait reçus de son excellent oncle, ce ne fut pas sans un réel soulagement qu’il se retrouva seul avec ses enfants. Les grands chagrins ont leur pudeur et leur égoïsme ; les consolations les irritent souvent et ne les bercent jamais comme la solitude et le silence. Peut-être aussi, sans s’en rendre compte exactement lui-même, se sentait-il au cœur un sentiment de sourde rancune contre son oncle ? N’était-ce pas lui qui leur avait fait quitter la France et les avait attirés dans ce maudit pays ? Et, par suite, n’était-il point la cause première de leur malheur ? Mais non,