Aller au contenu

Page:Badin - Une famille parisienne à Madagascar avant et pendant l’Expédition, 1897.djvu/96

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

changea de face, ou plutôt tout reprit l’ancienne physionomie active et vivante que Michel avait su lui imprimer. Payant largement de sa personne, Henri se montrait partout à la fois ; toujours le premier arrivé sur les chantiers ou au milieu des défrichements, il en partait aussi le dernier. Et ce rôle, qu’il avait assumé si courageusement, il sut le remplir avec tant de fermeté et tant de douceur à la fois qu’il se fit accepter sans peine des nombreux travailleurs indigènes.

De son côté, Marguerite, sans secousse, sans heurt, sans brusquerie, réussit rapidement à s’imposer comme maîtresse de maison incontestée, non seulement à ses domestiques makoas et comoriens, mais encore aux gens du village, aux passants, aux étrangers qu’une circonstance quelconque mettait en rapport avec elle. Avec son père, elle usa des plus grands ménagements, mais en même temps d’une fermeté toujours en éveil, et parvint à prendre sur lui un ascendant considérable. Quand il ne répondait pas au coup de cloche du dîner, elle allait le chercher là où elle était toujours sûre de le trouver, c’est-à-dire sur le banc du parc qu’il ne quittait guère de la journée ; et, passant gentiment son bras sous le sien, elle l’entraînait doucement, affectueusement, souvent sans même lui parler. Il ne résistait point, du reste, et se laissait faire comme inconsciemment.

A table, il montrait le même détachement de toutes choses, buvant et mangeant ce qu’on lui servait sans faire la moindre observation, étranger à tout ce qui se passait ou se disait autour de lui. Et cependant c’était alors, dans ces heures de détente et d’intimité, que Henri et Marguerite échangeaient leurs impressions et leurs observations