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LA VIERGE AUX LARMES


Dans nos sentiers humains, que le printemps caresse,
Où l’homme encore enfant poursuit des papillons,
Avez-vous rencontré, belle de sa tristesse,
La jeune Eolida, la vierge enchanteresse,
De qui les pieds légers effleurent nos sillons ?

Comme on voyait jadis la brune Canéphore,
Portant sur ses cheveux sa corbeille de fleurs,
Courber un bras de neige autour de son amphore.
La blanche Eolida, fraîche comme l’aurore,
Dans une urne d’onyx va recueillir nos pleurs.

Plus belle qu’Astarté, pieds nus elle chemine
De l’Équateur brûlant au neigeux Labrador.
Chaque fleur devant elle avec amour s’incline ;
Le soleil qui la voit franchir val et colline,
Fait sur ses noirs cheveux pleuvoir ses rayons d’or.

Elle parcourt les mers sans conque ni trirème
Et glisse sur les flots comme les fils de Dieu.
Pour tous les malheureux son amour est extrême,
Elle a pour tous les maux un dictame suprême
Et fait rayonner l’âme au moment de l’adieu.