Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/294

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je ne l’en eusse averti. Mais puisque je tiens la plume, il faut une bonne fois que je tâche de me débarasser de toutes vos plaintes, et de vous rendre conte de toutes mes actions. Si j’avois connu vôtre humeur et vos affaires dés le commencement, je ne vous aurois jamais conseillé de travailler à ce que j’avois pensé touchant les réfractions. Mais vous sçavez qu’à peine vous avois-je vû une fois ou deux, quand vous vous y offrîtes de vous-même. Le desir que j’avois d’en voir l’éxécution m’empêcha de m’enquérir plus diligemment si vous en pourriez venir à bout ; et je ne fis point difficulté de vous communiquer ce que j’en sçavois. Car je jugeois bien que c’étoit un ouvrage qui demandoit beaucoup de peine et de dépense.

Souvenez-vous, s’il vous plaît, que je vous dis alors distinctement que l’éxécution en seroit difficile, et que je vous assurois bien de la vérité de la chose, mais que je ne sçavois pas si elle se pouvoit réduire en pratique, et que c’étoit à vous d’en juger et d’en chercher les inventions. C’est ce que je vous disois expressément, afin que si vous y perdiez du têms, comme vous avez fait, vous ne m’en pussiez attribuer la faute, ni vous plaindre de moi. Ayant connu depuis les difficultez qui vous avoient arrêté, et étant touché du têms que vous y aviez inutilement employé, j’ai pour l’amour de vous abaissé ma pensée jusques aux moindres inventions des méchaniques : et lorsque j’ai cru en avoir trouvé suffisamment pour faire que la chose pût réüssir, je vous ai convié de venir ici pour y travailler. Pour vous en faciliter davantage les moyens, je me suis offert d’en faire toute la dépense, aux conditions que vous en auriez tout le profit, s’il s’en pouvoit retirer. Je ne vois pas encore que vous puissiez vous plaindre de moi jusques-là. Lorsque vous m’eûtes mandé que vous ne pouviez venir ici, je ne vous conviai plus d’y travailler : au contraire, je vous conseillai expressément de vous employer aux choses qui pouvoient vous apporter du profit présent, sans vous repaître de vaines espérances. Ensuite je jugeai par vos lettres que ce que je vous avois écrit de venir ici vous avoit diverti de vos autres ouvrages.

Vous feignîtes de vous préparer pour ce voyage, lorsque la chose vous étoit devenuë impossible, et que je n’étois plus en état de vous recevoir auprés