Page:Baillet - La Vie de monsieur Des-Cartes, première partie.djvu/376

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été, la mort de M De Peiresc obligea M Descartes à prendre d’autres mesures pour faire tenir son livre au Cardinal Barberin ; et il fit ensorte par la négociation du P Mersenne que le nonce du pape qui étoit à Paris voulût bien se charger de cette commission, et de celle de faire tenir en même têms les exemplaires au Cardinal De Bagné. Mais il survint je ne sçay quels obstacles à leur transport qui ne se fit de plus d’un an aprés. M Descartes voyant qu’il n’en avoit point de nouvelles chercha long-têms dans son esprit des raisons pour expliquer ce retardement. Il ne pût s’en imaginer d’autres que celles du scrupule où l’on étoit au delà des Alpes sur les opinions nouvelles de physique. L’inquiétude le porta à en écrire au P Mersenne en 1639, pour le prier de s’informer de l’avanture de ces éxemplaires, et de luy mander ce qui en étoit. Je suis en peine, dit-il, de sçavoir si les éxemplaires que m. Le nonce vous avoit promis de faire tenir au Cardinal De Bagné etc. Ont été enfin addressez. Car j’ay sujet de me douter que la difficulté qui s’est trouvée à les faire porter vient de ce que l’on a eu crainte qu’ils ne traitassent du mouvement de la terre. En effet il y a plus de deux ans que le maire ayant offert d’en envoyer à un libraire de Rome, celuy-cy fit réponse qu’il en vouloit bien une douzaine d’éxemplaires, pourvû qu’il n’y eût rien qui touchât le mouvement de la terre : et les ayant reçûs depuis, il les a renvoyez en ce païs, au moins a-t’il voulu les renvoyer.

M Descartes n’avoit pas oublié les jésuites dans la distribution de ses largesses. Il se souvenoit de ce qu’il devoit à ses prémiers maîtres qui étoient dans cette compagnie, où il avoit aussi d’autres amis de nouvelle acquisition. Mais nous ne pouvons mieux exprimer sa reconnoissance envers son régent de philosophie que par les termes ausquels il luy en écrivit dés le mois de juin de l’an 1637. Je juge bien, dit-il à ce pére, que vous n’aurez pas retenu les noms de tous les disciples que vous aviez il y a vingt-trois ou vingt-quatre années, lors que vous enseigniez la philosophie à La Fléche, et que je suis du nombre de ceux qui sont effacez de vôtre mémoire.

Mais je n’ay pas crû pour cela devoir effacer de la mienne les obligations que je vous ay. Je n’ay pas perdu le desir de les reconnoître,