Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/106

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Ah ! non, il ne l’était pas, moderne. Figurez-vous, dans la vie, il était quelque chose : peintre, sculpteur, graveur, impossible de le savoir. Eh bien ! au lieu de s’habiller comme les peintres qui s’habillent comme tout le monde, il s’habillait comme lui seul. Quand on le rencontrait dans une exposition, que l’on s’arrêtait devant une toile, il ne vous tirait pas par la manche : « Viens, moi je… » Il regardait avec plaisir. Il disait : « Ça, c’est bien… ça, c’est moins bien. Voici pourquoi… » Il vous laissait le temps de voir. Alors seulement, il passait à une autre toile. Et puis quand il était ému, il ne prenait pas ce beau visage de bois dont on se masque aujourd’hui. Son visage restait en vraie chair, de la matière sensible ; et s’il avait du cœur, mon Dieu voilà ! tout simplement il avait du cœur. En quoi, moins que jamais il était moderne.

Je le rencontrais quelquefois. Il me racontait des histoires. Un jour de neige, je l’aperçus dans la rue. Je le hélai :

— Dis donc, vieux, je suis content. Noël approche. Un journal me demande un conte. Tu m’en diras bien un.