Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/113

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toute la plaine alentour, aussi loin qu’on puisse voir. Et ils attendent là, les uns contre les autres, la figure en triangle et leurs yeux qui regardent.

Qu’est-ce qu’il dit le bonhomme ? D’abord, il ne dit rien. Il ne se fâche pas, car il a fini de compter son argent. Il se frotte les mains :

— Vous avez faim, je comprends : on va vous secourir. Mais qu’arriverait-il si Pierre reçoit une tartine et Paul un demi-pain ? Que je fasse d’abord mes calculs. Après on verra.

Ceci non plus n’est pas logique. Mais si un jour tu as faim, tu verras que tu nageras en plein dans l’illogique.

Et les enfants vont. Ils savent qu’en d’autres maisons on compterait moins et donnerait plus volontiers. Mais il y aurait à traverser des étendues de neige, de grands fleuves et aussi la mer où les navires font naufrage. Alors ils traînent. Beaucoup meurent, d’autres les remplacent. Ils sont cent mille, ils sont cinq cent mille, ils sont…

Mon vieux, je ne vais pas t’ennuyer davantage. Ce sont des blagues qu’on imagine. Tout de même si c’était vrai, s’il y avait ces enfants pendant qu’ici cette dinde…

Il me racontait cela, tandis qu’une famine