Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/139

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Je compris cela très vite. Il était impossible que le joli M. Robert eût tiré cette lettre de son cru. Elle venait d’un jeune homme qui avait fait une rencontre. Ce devait être un brave garçon. Du moins il en était à ce commencement de l’amour, où les choses semblent si belles qu’à moins d’être un salaud, on est presque naturellement un brave garçon. Il avait fait, avec sa Louise, sa première promenade. Ce qu’il avait vu, ce qu’il avait pensé, ce qu’il espérait et rêvait, il tâchait de l’exprimer. Mon Dieu ! il s’y prenait très mal. Dans la vie, il était peut-être un de ces jeunes gens comme on en voit en train tout le jour de taper sur une machine à écrire ; ou bien ce qu’on appelle un « calicot » ; ou bien un de ces gars qui vous manient plus facilement un marteau qu’un porte-plume. Ce qu’il voulait dire, il ne le disait pas très bien ; il s’empêtrait dans ses phrases ; elles n’en finissaient pas ; il y semait de grands mots, de ces mots à soixante-quinze centimes, qui ne venaient pas toujours à leur place, mais, par leur rareté, lui semblaient plus dignes et plus purs pour être offerts à celle qu’il plaçait si haut dans son cœur. Si bien que ces phrases mal écrites étaient