Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/146

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bombe partait en retard. Il se mit à courir quand même. Je le suivis. Je ne vous affirmerai pas que je le suivis avec mes pieds. Lorsqu’on se trouve dans la rue un jour où s’y traîner devient une souffrance, on n’a pas de temps à perdre derrière de petits mitrons. Je le suivis si vous voulez avec mon imagination : ou si le mot ne vous déplaît : avec mon cœur.

Pauvre mitron ! Où allait-il ? Sans doute chez une dame qui avait dit à un monsieur : « Mais restez donc : il y aura une bombe glacée ». Il n’allait pas vite et pourtant il courait : c’est-à-dire qu’il se pressait en multipliant de petits pas, comme il arrive quand on a douze ou treize ans, qu’il fait chaud, qu’on porte au bout du bras quelque chose de lourd qui vous tire le corps tout d’un côté. Dame ! une bombe glacée, ce n’est pas seulement de la crème qui vous fond dans la bouche, c’est la caisse que l’on porte, la glace pilée alentour, pour qu’elle reste bien froide.

Au bout d’une rue il s’arrêta et se tamponna avec sa manche comme s’il était une glace lui-même et se mettait à fondre par le front. Au bout de la deuxième rue, il déposa sa caisse et la prit dans l’autre main. Au bout de la troi-