Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/186

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— Prenons-le quand même, intervint la mère. Ainsi, comme vous, j’aurai un chat. Je l’appellerai Mina.

Le père comprit que si la mère parlait ainsi, c’était pour qu’on ne refusât pas un deuxième chat à sa fille.

— Tu as tort, dit le père.

Il faut savoir : en ce temps-là, c’était, comme on disait, la guerre. Pourquoi ? Je ne le sais pas. Ceux qui la faisaient, au fond le savaient-ils davantage ? Le matin, le boulanger vous mesurait un morceau de pain — ni gros, ni blanc ; et, dans la journée quand une petite fille retournait à la boutique, parce qu’elle avait encore faim pour une tartine.

— Vous repasserez demain, disait le boulanger. Et tenez, puisque je vous vois, avertissez votre maman qu’à partir de demain, il y en aura moins.

De même pour le lait. De même pour la viande. De même pour tout. Ainsi beaucoup d’hommes mouraient, non seulement de ceux qui le faisaient exprès en criant : « Vive la guerre ! », mais de ceux qui étaient forcés de les suivre, puis des autres parce qu’ils avaient faim, et encore des femmes, et encore des enfants, et