Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/196

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Ces histoires ne casseront rien. Je me demande même si ce sont des histoires. Mais enfin, quand on raconte…

Il s’agit d’un petit soldat, un pauvre bougre de petit soldat, un piotte, comme on disait à Bruxelles. Sa figure ? Ma foi, en ce temps, on n’était pas encore des poilus. Sa figure était fraîche, des joues roses de paysan, une ombre de moustaches, en somme la figure qu’ils ont tous, la première année, quand ils arrivent de leur village et ne sont guère plus que des gosses. Avec sa figure et son flingot, il passait dans une belle rue de Bruxelles et, dans cette rue, beaucoup de monde se bousculait, ce jour-là. Cela arrive ; mais pour le petit soldat, il y avait ceci de particulier : qu’on était aux premiers jours de la guerre ; que toute l’armée venait de foutre le camp, qu’il ne savait pas où, qu’ainsi il se trouvait seul de soldat dans la ville et que nom de nom ! les Boches allaient venir !… C’était même pour voir venir ces Boches, que tant de monde se pressait dans la rue.

Alors, vous comprenez, lui tout seul dans son