Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/206

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On ne sait pas d’avance le coup de sang que peut vous donner une cocarde. Celle-ci était tricolore. Rouge, jaune, noir, les couleurs de mon pays. Elle ne coûtait que deux sous. Un camelot me l’avait épinglée de force : « À bas l’Allemagne, monsieur. » Aussitôt un pavé, innocent sous mes pieds, passa dans ma main, puis à travers la glace d’une brasserie, où la Munich pourtant était bien bonne.

Lancer son pavé est une chose, avoir faim autre chose. Par la suite beaucoup de ces lanceurs de pavé eurent faim. Il y a la faim du monsieur qui constate : « J’ai faim, » en lorgnant la table où l’attend un bon dîner. C’est celle que je vous souhaite. Il y a la faim qui vous prive d’un tas de choses dont on aurait envie et qui semblent bonnes, bonnes… Cette faim vous chipe le matin quelques grammes par-ci, le soir quelques livres par-là et vous, monsieur, qui remplissiez dans ses moindres contours votre beau costume, vous voilà minable, le col qui bâille, le pantalon qui flotte. C’est la faim bête.

Ces petites histoires sont des histoires de