Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/214

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pour des bougres comme nous qui avaient faim, il fallait être voleur ou rusé pour en manger. On fit alors ce qu’en d’autres temps quelqu’un avait conseillé : « Pas de pain ? Mangez de la brioche. » On fit de la pâtisserie, et quelle pâtisserie ! On achetait des grains de seigle, on le broyait dans un moulin à café, on faisait cuire ces durs petits gruaux sous le nom de crêpes. Plus tard, les marchands inventèrent je ne sais quelle poussière, qu’on appelait farine de féveroles. Cette farine contenait certainement des féveroles. Mais on les avait sans doute rassemblées à coups de balai, car il y avait autant de sable que de féveroles. Le tout servait à faire des tartes. À défaut de viande et de pain, on mangeait beaucoup de tartes. C’était vert, c’était gluant ; plus ça cuisait, plus ça devenait mou. Sauf le sable qui restait dur. Et l’on s’efforçait d’avaler cela !

Comme les autres, Ma Nounouche broyait dans son moulin le seigle, pour le transformer en crêpes. Comme les autres, elle mélangeait avec de l’eau ses féveroles pour en faire des semblants de tartes. Mais au lieu de s’en tenir là, elle répandait sur le tout — un peu… beaucoup… passionnément… — de sa fameuse cannelle. Et ce