Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/41

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avec leurs seins, avec leurs détails et leurs masses :

— Bleu, je t’assure ! affirmait Jules.

— Mauve, je t’affirme ! assurait Fernand.

Il fallait des gestes : des gestes pour les tons, des gestes pour les lignes, des gestes pour les plans — beaucoup de gestes par-dessus la tête du pot de fleur.

Pauvre pot de fleur ! À cause du mauve, à cause du bleu ? Il n’eut pas une plainte, mais tout à coup, oh ! sa tête pendit.

Ils avaient cassé la tête du pot de fleur.

Avec sa tête brisée, le drôle de pot de fleur ! On ne pouvait l’offrir à une maîtresse, non plus à une maman, et dans l’atelier, même sur le poêle, il aurait fallu des jours, avant que ce pot de fleur, dépourvu de sa fleur, redevînt avec sa nouvelle fleur, un véritable pot de fleur.

Misérable pot de fleur ! Il ne servait plus à rien, et parce qu’il ne servait plus à rien, il servit à quelque chose.

Fernand et Jules ? On ne sait. Pris entre deux mains, le petit pot de fleur quitta son banc, avança et, par terre, resta seul — petit pot de fleur, sous les grands arbres de la grande avenue…

Et sa tête pendait.