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dit : « C’est entendu, Fernand, fume ta pipe ; je me charge du pot de fleur. »

Ils firent d’autres rues. Peut-être à cause du pot de fleur, ils discutèrent. Étant peintres, ils aimaient, l’un et l’autre, la Nature. C’est beau la Nature ! Ils l’aimaient à eux deux, comme le pot de fleur ; mais Jules la voyait bleue et par masses, Fernand, mauve et par détails. Comme c’était des amis, des amis à se payer en commun un pot de fleur, ils ne tombaient pas d’accord. Jules disait : « Bleu » — « Mauve » répondait Fernand.

Mauve ou bleu, détail ou masse, il fallait des gestes. À cause des gestes, avec son pot de fleur, Jules pensait : « Il est gênant ce pot de fleur. »

Ils arrivèrent au long d’une avenue. Une avenue, c’est une promenade où vers trois heures, quand il fait beau, sous les feuilles des marronniers, passent des messieurs, passent des dames, passent des enfants, passent des équipages. À trois sur un banc, le pot de fleur au milieu, ils regardèrent passer toutes ces choses qui passent.

Des hommes, ils ne pensèrent pas beaucoup : les hommes sont lourds ; ils sont laids ; ils sont bourgeois. Même en jaquette claire, on les peint au bitume. Mais les femmes ! Avec leurs yeux,