Page:Baillon - La Vie est quotidienne, 1929.djvu/82

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Ce que l’on entendit ensuite, ce fut un long hurlement de femme. On aurait pu supposer que quelqu’un s’était fracassé une jambe sous les voitures. Mais le cri arrivait de plus loin. Il arrivait d’un balcon, à un troisième étage, hors de la bouche d’une petite dame qui, prenant le frais, venait de se demander ce qui serait advenu si, au lieu de dormir à l’abri dans ses bras, sa Mirette se fût trouvée à faire sa cro-crotte contre ce dangereux réverbère.

Quant aux chauffeurs, ils avaient plus d’une raison de se taire. Le premier avait voulu sauter. Mais prenant mal son élan il était tombé et se taisait gravement, le nez dans un peu de cervelle, sur le bord du trottoir. Le second se taisait aussi, correct, les mains au volant, avec un petit sourire qui parut moins niais, quand on eut vu un bout de fer qui lui sortait, avec quelque chose de rouge, de l’autre côté, dans le dos.

Ce qui survint ensuite ne fut pas différent de ce qui arrive toujours en ces sortes d’aventures. Dans cette rue, où tant de gens circulaient, chacun avec une idée différente, il n’y eut plus que des gens ayant tous la même idée. Les femmes ne pensaient plus à leur soupe, les hommes ne pensaient plus à des lits, le