Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/144

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une chaise. Après tout, pas dormi, levé tôt, pas mangé, du Gaillac, Charles ne m’en voudrait pas, si j’usais de cette chaise. Voilà ! j’étais venu, je lui tenais compagnie… Quand même, comme compagnon, il ne parlait pas beaucoup. Je me surpris à balancer mon chapeau, tortiller les jambes, m’ennuyer un peu comme le premier jour, dans le bureau de mon Percepteur, quand j’attendais d’être reçu. Je me remis debout.

Sans le cercueil, la pièce eût été comme toujours. Sur le buffet, je reconnus la touchante petite poule en faïence que l’on secouait au-dessus de son assiette, quand on voulait du sel. Charles me l’avait passée bien souvent. Boum ! sur leur terrain, les joueurs de ballon lançaient leurs premiers coups de pied. Boum !… Boum ! Qu’il y eût un mort tout près, qu’est-ce que cela pouvait bien leur faire ? Ils s’amusaient, eux ! Pauvre Charles ! on ne lui gâterait plus ses dimanches. Comment était-il dans sa caisse ? Pas rouge, évidemment. Une seconde, je le vis sourire, découvrant le petit trou noir entre ses dents. Oui, c’est par là qu’il passait son bout de langue. Puis il fut pâle comme s’il regardait passer Mlle Jeanne. « Jamais ! » Savait-elle ? Sans doute. C’était à peu près l’heure où elle sortait son chien. Même si elle ne savait pas,