Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/168

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— Moi ? Je te traite en… Pourquoi ?

En réponse à ses anciens clins d’œil, je jouai d’une paupière. Longuement, afin qu’il eût le temps de comprendre ce signe :

— On sait ce que l’on sait. Quand même, si tu es un type du genre costaud, je suis d’un autre genre. Tu n’as jamais été un page, toi.

— Un page ?

Je jouai de l’autre paupière :

— Est-ce ainsi, demanda-t-il, que tu leur fais de l’œil ?

Il essayait de plaisanter. Son rire sonnait faux.

— D’abord, je ne leur fais pas de l’œil. Et « leur » ? Tu as beau écraser des perce-oreilles, moi quand j’aime une femme…

Cette conversation ne dépasse pas les niaiseries qu’on échange quand on a vidé trop de chopines. Je dirai pour celle-ci et, une fois pour toutes celles qui suivront : que les mots ne sont rien, que le sens caché à l’intérieur est tout, que l’on peut se braver, lutter, ou même s’empoisonner, en ayant l’air de débiter des bêtises.

— Eh bien ? interrogeait Dupéché, quand tu aimes une femme ?

En réalité, bourrique comme j’étais, je n’aimais aucune femme. Quelque chose de mauvais, venu de lui, m’obligea à mentir.