Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/108

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sur les os de mon poing : Je vous salue, Marie : un ; pleine de grâces, deux… Ces Ave terminés, j’en récite dix supplémentaires pour réparer une négligence possible, plus dix pour être sûr du supplément. Au fond, cela ne s’appelle pas prier.

Dieu ? Si je vois le chapeau d’un prêtre, ma main monte d’elle-même vers le mien et salue. Passer près d’une église me fait mal, surtout quand on chante ou que j’entends les orgues. Ce serait bon de lever les mains vers le ciel, de se laisser couler en pleine eau dans la foi, sans écouter le Diable, sans craindre le péché mortel, en acceptant l’idée de la mort, dût-elle vous surprendre tout à coup. Mais je me connais. Croire en Dieu, ce serait croire en Lui absolument, renoncer au mal, même au plus petit, réparer mes fautes, ne pas avoir menti, ne pas avoir respiré certain parfum dont le souvenir parfois me trouble, mener la vie parfaite, pour cela devenir prêtre ou moine. Si j’en parlais, on se moquerait. Assez lâchement, ne pouvant tout, je ne fais rien. Mais j’en porte le regret.

Il y a d’ailleurs un autre obstacle, insurmontable celui-là. Le vœu qui m’a lié à la reine : ne rien dire, pas même à confesse. Cinq ans ne l’ont pas usé : c’est un ciment. J’ai beau me dire : « Tu es stupide », j’ai pro-