Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/142

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l’avait arrangée ; qu’elle la connaissait par cœur, et la récitait comme elle la réciterait encore, si d’autres personnes survenaient. Il y avait aussi mon Gaillac. Il me gênait. Ma couronne hérissait vers la robe ses fils inquiétants comme des ronces. Et puis mon coude, il me fallait le surveiller, parce que deux fois déjà je l’avais surpris qui cherchait un appui à même les planches du cercueil. D’ailleurs ce cercueil, Charles avait beau s’y trouver, ne donnait pas l’impression d’un cercueil. Dans la pièce, les rideaux étaient larges ouverts. Sauf les chaises, on n’avait dérangé aucun meuble : là le buffet, là une bibliothèque, un cendrier. Le cercueil, on eût dit un meuble déposé au hasard, par le livreur, en attendant qu’on lui trouvât une place.

Ces réflexions m’entraînaient loin de Charles et j’en souffrais. J’en étais là, quand des pas sortirent de la cuisine. Un monsieur entra, vieux, les yeux rouges, suçant tsst ! tsst ! avec un bruit ignoble, quelque chose qui le gênait entre les dents. Encore un qui allait m’empêcher de penser à Charles ! Il sortait de table, cela se voyait. Qui était-il ? Charles ne m’avait jamais parlé de cet homme. Alors de quel droit ces yeux rouges ?

— Vous étiez, tsst ! tsst ! son meilleur ami. Ces mots m’arrivèrent dans une bouffée