Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/158

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impatience. On me retint à déjeuner. Je ne reconnus plus la salle à manger. On avait glissé le buffet à la place de la commode, un divan à la place du buffet. Il y avait d’autres chaises. Plus de livres, plus de plans, plus un coin où loger l’image de Charles. De même qu’elle évitait de prononcer son nom, on eût dit que la mère avait fait la chasse au moindre rien qui eût évoqué son souvenir. Je me trompais, j’en suis sûr. Mais cela me choquait, moi qui me battais pour n’oublier rien. Après le déjeuner, on passa dans la pièce voisine pour le café. Là du moins les rideaux étaient restés les mêmes. Machinalement — est-ce machinalement ? — je m’y plaçai et regardai la rue. À un moment, j’entendis :

— Ici, Kira, ici !

C’était Mlle Jeanne avec son chien. Je la regardai de tous mes yeux. Elle devait certainement connaître la mort de son ancien ami. Aurait-elle un coup d’œil pour sa maison ? Elle ne leva pas la tête. À sa place, j’eusse agi autrement. Quand la maman me proposa de revenir le dimanche suivant, j’acceptai avec un empressement qui me surprit. « C’est pour la consoler » pensai-je. Non ! ce ne devait pas être « pour la consoler », puisque je lui gardais rancune de son tablier à fleurs sur le crêpe de sa robe.