Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/16

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

du nain, le jeune Siegfried s’est forgé une épée. Il la trouve belle, la tend devant lui, jette en l’air une plume, la reçoit sur le tranchant, et la plume continue de tomber, coupée tout bonnement en deux. J’ai réfléchi à cette plume. Certains esprits n’ont pas de fil. L’idée tombe dessus et s’accroche bêtement, flocon de neige sur une branche. Sur d’autres, l’idée se divise. Une idée tombait, en voici deux. Papa me le reprochait à sa façon :

— Tu coupes les cheveux en quatre.

Plumes en deux, cheveux en quatre, on pense double, on souffre en plus fin, même pour des niaiseries. Mais est-on fou ?

Je connais quelques jeunes gens. Ils ont étudié, ils savent tout, ils ont des guides sûrs, ils s’adossent à des principes solides, en marbre : des colonnes. Belle bleue ratée, je ne sais rien. Mes colonnes cèdent dans mon dos comme de la toile peinte. Je le regrette et je me fiche par terre. Est-ce être fou ?

Par malheur ou niaiserie, je n’ai pas poussé très avant mes études. Néanmoins, je lisais. M’en a-t-on fait le reproche ! Je lisais trop, je lisais des choses trop savantes, je lisais des choses « à me tournebouler la tête ». Peut-être. Un livre, le voir m’émeut déjà. Je dois l’ouvrir, en attraper une page, une phrase,