Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/164

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goût. Mon premier regard fut pour ses pieds, à présent bien chaussés, qui avaient écrasé mon perce-oreille. Puis j’eus dans les yeux une série de Dupéché : Dupéché au catéchisme, Dupéché ne connaissant pas sa leçon, Dupéché me poussant du coude, Dupéché et ses clins d’œil, Dupéché levant la main et me narguant d’un pied de nez. Aucun ne correspondait au Dupéché que j’avais devant moi. Puis cette ribambelle disparut et je compris que le vrai Dupéché désormais, ce serait celui-ci. Tout cela ne dura qu’une seconde, le temps de mettre la main dans la sienne. Je serrai mollement. Il affecta de n’en rien voir :

— Je suis content, dit-il. Viens boire un verre.

Je refusai. Mais déjà, il m’avait repris et me dominait. Je le suivis. Je vidai mon verre à contre-cœur. Je fis mine de partir. Il me rattrapa par le veston :

— Reste donc… Encore un.

— Mais non.

— Mais si.

Il était devenu du genre costaud : un genre que je ne supporte guère. Épaules carrées, joues pleines, gestes en avant du Monsieur qui sait ce qu’il veut et ne s’arrête pas à des histoires de perce-oreille. Il ne cessait de parler.