Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/188

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Eh ! son jeu est clair. Il t’a présentée à son amie, pour t’obliger à le présenter à la tienne. Mais dans quel but ? Quel besoin a-t-il de connaître Mlle Jeanne ? »

Pour la première fois je pressentis ce qui devait se réaliser plus tard.

Revenir en arrière, avouer mon mensonge, certes j’y pensai. Je fusse mort plutôt que de m’humilier devant cet homme. Je ne voulais pas me dérober non plus. Peut-être dans mon idée intime y avait-il autre chose. Par exemple, un désir de reprendre la promesse que je m’étais faite et de retourner vers Mlle Jeanne.

À un moment je fus tout surpris de me trouver loin de chez moi, sous la tour Eiffel. Je pris un tramway. Papa me gronda parce que j’arrivais tard.

— Comme tu es pâle, fit maman. Ton dîner t’attend.

Je refusai de manger. Je m’enfermai dans ma chambre ; je m’assis sur mon lit ; je regardai longuement un coin de mur. Et voilà que tout à coup j’entendis une voix. Derrière moi. Pas celle de notre curé bien qu’on cherchât à l’imiter. Une voix plus forte, blagueuse un peu. Celle qui certaine nuit de cauchemar, avait prononcé la phrase du diable :

— Ne crains rien. Tu sais bien que je n’existe pas.