Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/208

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Mlle Jeanne. Ils suivaient ceux de Charles. Bientôt, il y en eut dix.

Je la connus mieux. « Jeanne ! » C’était sa main dont les doigts ne portaient pas de bague et se retroussaient par le bout. C’était son nez, un nez très fin, pas du tout « fait n’importe comment ». C’étaient ses yeux que je ne voyais plus jamais tristes. Ce fut un jour, une façon de m’appeler : « Monsieur Marcel », un autre jour : « Marcel » tout court. Ce ne fut pas autre chose.

Les tilleuls perdirent leurs feuilles. Une fois, la pluie tomba. Une pluie que j’appellerai bénite comme on le dit de l’eau sainte qui sert au signe de croix au seuil des églises, car grâce à elle j’entrai chez Jeanne. Des tentures, des cadres, un piano, des livres. Elle possédait beaucoup de livres. Elle me les montra. À sa façon de toucher ces volumes, on voyait qu’ils ne représentaient pas que du papier. C’était de la pensée. Je l’en admirai davantage.

La pluie nous donna d’autres dimanches. On s’installait sur un divan, elle à un bout, moi plus loin. Je refusais le thé, pour que rien ne rappelât mes visites chez la poupée. Je lui parlais comme j’eusse parlé à Charles. Ses réponses étaient plus patientes. Elles ne tranchaient pas, elles débrouillaient les nœuds