Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

nos bouts de rues ne menait devant sa maison. Une fois, j’aperçus le mur du cimetière.

— Comme il y a de la boue dans ce chemin. Si nous allions de l’autre côté.

Une autre fois, ce fut la mère de Charles. J’ignore ce que j’aurais fait, si elle m’avait reconnu.

Jeanne ! Je ne sais quand je commençai à l’aimer, si je l’aimais déjà, si je l’aimai jamais. Aimer ? Qui n’aime-t-on pas ? Je pense au temps où je travaillais chez le mouleur italien. J’avais un compagnon : un Flamand. Il parlait de son amie, il disait dans sa langue : « Je la vois volontiers… » Jeanne, je la voyais volontiers. Comment dire ? Chez mes parents, je m’énervais souvent, j’étais maussade, surtout devant papa. Chez Dupéché et sa Louise, j’étais le chien qu’on oublie dans un coin ou celui qu’on menace du bâton, qui veut mordre. Près de Jeanne, je me sentais calme. Calme et fort. Dupéché se fût montré, je ne l’eusse pas craint. En la quittant, j’emportais un bien si précieux que je me demandais si je n’y avais rien ajouté de mal. Je pouvais me dire non. Cette assurance différait tellement de mes habitudes, qu’elle m’inquiétait un peu. Pour me tranquilliser, je chargeai mes prières du soir de trois Ave pour