Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/229

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

cet « idéal » que je cherchais, cette inconnue me les avait donnés. Mes premières pensées allèrent vers Dupéché pour le narguer. Puis vers Jeanne pour… Ici me vint une telle espérance qu’il me parut laid de l’approfondir. Surtout dans cette chambre où je n’aurais pas dû entrer. Ce corps près du mien me fit honte. Je me levai. Je n’aurais pourtant pas voulu me retrouver seul dans les rues. Simplement rester ici jusqu’au matin. Je le proposai :

— C’est convenu, fit-elle. Seulement, si tu te lèves, tu ne te reposeras pas.

— Si nous bavardions un peu.

— Bavardons, mon petit.

Je lui racontai des riens : que j’avais passé la soirée chez un ami, qu’il se marierait bientôt, que grâce à elle, j’avais cessé d’être une bourrique.

— Cela te rendait malheureux ?

— Oui… non.

Je regardai le portrait du soldat :

— C’est Dufau, répéta-t-elle. Il s’est tué.

— Pour vous ?

Son visage se voila de tristesse :

— C’est ce que l’on dit toujours… Mais non : il s’ennuyait à la caserne.

— Il y a longtemps.

— Vingt ans.