Page:Baillon - Le Perce-oreille du Luxembourg, 1928.djvu/271

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— Tantôt ? Mais regarde donc ! Là la, devant toi.

Je ne l’avais pas vu entrer. Il avait abandonné ses habits de fête. Sa pochette était rouge de sang. Je compris au regard de maman qu’elle ne le voyait pas, qu’elle feignait de ne pas le voir. Il ne la regardait pas non plus. Il traversa la chambre, l’air modeste, comme hier pendant qu’on prononçait son éloge. Arrivé devant moi, il me lança son clin d’œil :

— Ne crains rien, tu sais bien que je n’existe pas.

Je savais déjà ce qui arriverait. La paupière toujours baissée, il la visa du pouce, l’enfonça :

— Fais comme moi.

Il dit ces mots avec une douceur qui m’épouvanta.

— Non, je ne veux pas.

— Si, dit-il avec la même douceur. Fais comme moi.

Il répéta son geste. Je l’imitai de mon mieux.

— Ce n’est pas bien. Tu ne t’es pas fait mal. Recommence.

Je recommençai ; je réussis à me faire mal.

— Recommence encore.

Je recommençai encore. Puis de nouveau.