— Moi, dit Benooi, même à vingt-deux ans, je ne dansais pas.
— Ce n’est pourtant pas un crime, Benooi.
— Non, fait Benooi, mais il ne dansait pas souvent avec la même.
— Alors, c’est grave ?
— Très… dit Benooi.
Un soir à la kermesse, il finissait de danser avec la Marie du charron…
— Celle qui boite, Benooi ?
— Justement.
… quand un camarade vint la demander pour la danse suivante.
— Oh ! oh ! Benooi.
— Oui…
Peut-être, pour cette fois, Joseph tenait-il à sa boiteuse, ou bien n’aimait-il pas qu’on l’invitât sous son nez :
— Encore cette danse, fit-il.
— Alors, demanda l’autre, ce sera pour tantôt ?
Joseph comprit-il mal, on ne sait, mais il devint rouge. Il but un grand coup, le cracha et vlan ! le couteau qu’il portait bien fermé dans sa poche, passa tout ouvert dans la poitrine en face.
— Mort, Benooi ?
— Comme un cochon, dit Benooi.
C’était son premier…
Et puis il avait bu, les juges n’ouvrirent que la moitié d’un œil : cinq ans. Les cinq ans sont passés et ce matin, je l’ai vu qui passait dans le train qui le ramène au village.
— Vous aurez été le premier, Benooi.
— Oh ! dit Benooi, ce n’est pas un honneur.
— N’importe, dis-je à Benooi, je ne suis pas curieux, mais je voudrais bien savoir comment on a reçu là-bas cette brute.
— Allez voir, dit Benooi.
J’y vais, je dois même dire, j’y cours.
Pourtant ce qu’il a fait, Joseph, c’est simple. Son train s’est arrêté à 7 heures. Il est entré chez lui, il a vu la farine dans la huche, il l’a pétrie et au moment où j’arrive, curieux de voir