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d’insinuer que cette austérité est devenue quelque peu la mienne.

Seul au centre d’un tableau, je me détache en grand sur le clocher des Trappistes, les champs des Trappistes, les bois des Trappistes, accessoires minuscules pour mettre en relief l’important personnage qu’est mon « Je ».

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Les idées religieuses de Marie


Une première fois, elle a été à la messe pour accompagner Mélanie, mais cela ne lui plaisait guère. Une seconde fois, ce fut à cause d’une voisine. Et maintenant, comme M. le curé pourrait se dire : « Tiens, mais je ne vois plus cette dame », elle se croit obligée. Elle serait bien scandalisée si quelqu’un affirmait : « Moi, je ne vais jamais à l’église. »

Elle a sur la religion ses idées de Marie. Au sermon du curé, elle ne saisit pas tout. Elle connaît sur la façon dont notre mère Eve a commis sa première faute, une histoire de caleçon et de bain qu’elle n’a certainement pas trouvée dans la Bible. Elle me la conte, naïvement sérieuse.

Comme toutes les femmes qui pratiquent, Marie communie le premier dimanche du mois.

Pour communier, il faut n’avoir plus mangé depuis minuit, lire dans son livre à telle page telle prière, se glisser vers le banc, recueillie, les yeux fermés. Le matin, elle se refuse de se rincer la bouche de peur d’avaler une goutte d’eau ; à la Sainte Table, elle sort une langue à la mesure des autres ; elle regagne sa place, avec respect, comme les autres ; et ce serait mal, si elle gardait les mains sur la figure plus longtemps que les autres.

Mais que pense-t-elle de ce cachet de pain qu’on lui a posé sur la langue ? Peut-être rien.

Or, voici qu’à l’exemple des Pères, son mari devient pieux, porte un chapelet, suit les offices, se montre pointilleux sur ce qui se peut et ne se peut pas.