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Page:Baillon - Moi quelque part, 1920.djvu/23

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La poste.

Une cloison sépare le bureau et l’étable. Au premier guichet, Adrien, facteur et percepteur, met ses lunettes pour timbrer mes lettres ; au second, le cul d’une vache coule de la cire verte pour les cacheter. Ce qu’elle en donne !…

La gare.

C’est, devant l’auberge, un petit drapeau rouge que l’on plante au milieu du rail pour avertir le machiniste qu’il doit prendre des marchandises. Le train s’arrêterait quand même, parce que le personnel a soif. Parfois il y a un voyageur.

La chaussée.

N’allez pas croire qu’elle ne serve à rien. D’un coup d’ongle sur la carte, Napoléon en a tracé le projet : « De là, à là. » Les ingénieurs n’ont eu qu’à marcher, et elle file droit, coupant la prairie de Jan, à travers la bruyère de Pol, sans tenir compte des intrigues qui font sinuer les routes modernes. Elle est aussi large qu’aucune avenue et bordée de chênes qui ont eu le temps de grandir. Le conquérant l’a créée pour un trafic intense. Aussi voyez : le docteur y passe, le facteur y passe, moi-même j’y passe et tout le long court un petit train,… Mais celui-là, je crois, je l’ai déjà dit.

Le Dreiboomkesberg.

C’est tout là-bas, après les grandes mares, en pleine forêt, un calvaire de sable avec trois croix en sapins morts. Alentour le peuple des sapins vivants qui se taisent.

Le plus gros, celui du milieu, porte entre ses bouts de branches, une Vierge avec une banderolle qui vous invite à ne pas quitter la montagne sans réciter un « Ave ». Et vraiment l’endroit est si farouche qu’on est presque heureux de ce prétexte pour se rassurer d’une prière.